FRENCH VERSION Les Religions et leur Representation
Les Religions et leur Représentation
Ecrit par Dr.Khandaker Abdullah Jahangir et publié dans le journal quotidien bangladais ”The Independent”, le 22 Novembre 2006.
Mes remerciements à Dr. Dennis D Datta qui a remarqué, de manière
juste, qu’une religion ne doit pas être tenue responsable pour les
crimes de ses disciples, même si, ces derniers sont perpétrés par la
plus haute institution religieuse d’une dite religion. C’est donc ce à
quoi nous demandons le pape Benoît XVI de bien réfléchir. Si l’Islam
est considérée violente ou irrationnelle en raison des dérives de ses
disciples, alors la Chrétienté devrait être traitée de la même façon.
L’histoire de l’humanité est remplie de violence. La violence fait
partie de la nature humaine. Une myriade de contextes peuvent pousser un
individu, une communauté ou un état à utiliser la violence au nom d’une
religion ou d’une idéologie et nous avons souvent tendance à condamner
cette dite religion ou idéologie pour les crimes de ses disciples, en
pensant que chacun de leur fait et geste offre une représentation
parfaite de leur religion. Ceci dit, cela peut induire en erreur et
donner ainsi naissance à un bon nombre de malentendus et d’idées
fausses.
En débutant par Constantine, ayant donné à la Chrétienté son statut,
le clergé Chrétien et l’église catholique ,en particulier, ont commencé
une guerre de “tolérance zéro” contre les dissidents. Non seulement
contre les croyants d’autres religions, comme les juifs ou les
musulmans, mais aussi contre les chrétiens, ayant des vues divergentes
regardant des articles de foi chrétiens, ont été sans pitié persécutés,
tués ou brûlés vivant et leurs possessions, livres et autres biens
détruits.
Une telle violente brutalité a pris deux dimensions. De nombreux
incidents démontrent le genre de cruauté inhumaine à laquelle les rois
chrétiens, les seigneurs, les barons ou les princes s’adonnèrent au nom
de la Chrétienté. Comme, par exemple, la brutalité que les juifs ont dû
endurer en Espagne, en France, en Angleterre et dans plusieurs autres
pays européens, celle dirigée vis-à-vis des musulmans au sein de
l’Espagne chrétienne, ainsi que celle à l’encontre des musulmans et des
juifs durant les Croisades. Sans oublier la brutalité commise par les
catholiques envers les protestants et vice versa lors des guerres
religieuses en Europe. De telles atrocités inclurent : une exploitation
économique, des meurtres effectués de manière indiscriminée, des
incendies, des conversions forcées sous la menace d’une épée, la
confiscation ou la destruction de biens matériels, des expulsions en
masse etc. D’habitude les autorités religieuses représentées par
l’Eglise et le Pape supportèrent ce type d’ actions. Parfois même, les
célébrèrent. Vers le 24/25 août de l’an 1572, a eu lieu le Massacre de
St Barthélemy durant lequel environ 70 000 protestants ont été
brûtalement tués par les catholiques en France et le Pape Grégoire XIII
reçu même une médaille à cette occasion.
A d’autres reprises, l’Eglise et le Pape initiérent et participèrent à
cette brutalité, toujours au nom de la Chrétienté. Sous ,”
l’Inquisition ” , l’ordre du Pape, ayant pour but de “punir les
hérétiques et d’éliminer la léprosie spirituelle” des milliers de
musulmans, de juifs, et de soit-disant chrétiens hérétiques ont été
persécutés et brûlés vivant. Le troisième Conseil de la Lanterne a
décrété “ la punition des hérétiques par la branche séculaire après
prosécution par un êveque”. Un décret du Pape, à cet égard, déclara : “
nous vous donnons une commande stricte de détruire, par tous les
moyens, toutes ces hérésies et d’expulser de vos diocèses tous ceux qui
les polluent… Si nécessaire, vous pouvez contraindre les princes et la
population à les réprimer à l’aide de l’épée”. (The Story of
Civilization, The Age of Faith, part-IV pages 773-774)
Le Pape Innocent III proclama une guerre sainte contre les Albigeois,
une secte chrétienne considérée hérétique par l’église. Durant la
Croisade contre les Albigeois, des milliers de gens furent massacrés, ce
qui est considéré- comme mentionné dans l’Encyclopédie Britannica- le
premier cas récent de génocide. Arnold Amaury, délégué au Pape, lui a
reporté cet événement : “ Nos hommes n’épargnant ni le rang, le sexe, ou
l’âge, ont égorgé environ 20 000 hommes au trenchant de l’épée; et
lorsque le massacre d’un nombre conséquent d’hommes pris fin, la ville
entière fût pillée et brûlée, la Vengeance Divine s’acharnant contre
elle”… Lors du Massacre de Lavaur, 400 personnes ont été brûlées et “
ils ont fait un feu incroyable et sont ainsi partis périr à jamais en
enfer.” (Rev. W. P. Hares, the Teaching and Practice of the Church of
Rome in India Examined, p 122, John William Draper, History of
Intellectual Development of Europe, Vol II)
Un certain nombre de scientifiques, philosophes, penseurs et
réformeurs ont aussi été persécutés, tués, brûlés ou emprisonnés par
l’église. L’église a même tué et brûlé ses propres membres, les accusant
de lire la Bible dans sa langue usuelle. Un pauvre traducteur fut
égorgé et brûlé sur un pieu en 1536 par l’Eglise. En 1380, lorsque John
Wycliffe eu fini de traduire la Bible, un traitement similaire lui a été
réservé. Trente ans après sa mort, en Mai 1415, sous le décret du
Conseil de Constance, ce qui restait de son squelette décomposé a été
déterré de sa tombe, réduit en cendres et jetté dans un ruisseau
voisin. Les lecteurs de sa traduction furent brûlés avec des copies
nouées autour de leurs cous, hommes et femmes furent ainsi exécutés pour
avoir seulement enseigné à leurs enfants la prière du Seigneur et les
10 Commandements en anglais… (Dr. Paterson Smyth, How we got our Bible)
Une telle brutalité au nom de la Chrétienté a conduit beaucoup de
gens à pointer du doigt la religion elle-même. Le philosophe, de renom,
Bertrand Russell dit à cet égard : “ Il se trouve, lorsque l’on jette un
coup d’oeil autour du monde que chaque moindre progrès appartenant au
domaine du sentiment humain, chaque avancée de la loi pénale, chaque
démarche vers la réduction des guerres, chaque démarche vers
l’amélioration du traitement des gens d’origine étrangère, ou chaque
effort visant à l’éradication de l’esclavage, chaque progrès moral
qu’il y a eu dans le monde, ont été opposés de manière constante par
les organisations chrétienne. Je tiens à affirmer le fait que la
religion chrétienne, telle qu’on la trouve dans les églises, a été et
est toujours l’ennemi principal du progrès moral dans le monde.”
(Bertrand Russel, Why I am not a Christian, pages 20-21)
Mais de nos jours, la plupart des intellectuels occidentaux sont
réticent à faire endosser la mauvaise conduite des membres de la
communauté chrétienne à la Chrétienté elle-même. C’est ce que Dr.
Dennis D Datta explique en ces quelques mots : “ La Chrétienté que
pratiquent le président Bush ou le premier ministre Tony Blair ne
représente pas plus la Chrétienté que l’Islam pratiquée par les
terroristes extrémistes représente l’Islam … Tout ce que le Vatican dit
ou fait ne représente pas toujours la Chrétienté en sa totalité…”.
Nous nous accordons sur ce point. Mais quand il en vient à l’Islam,
la vaste majorité des experts chrétiens porte l’Islam responsable des
crimes de ses croyants. Il est toutefois important de noter le fait que
la “gouvernance seculaire” musulmane, composée de dirigeants politiques,
rois, sultans et généraux – et non pas la gouvernance religieuse per se
– est celle qui a commise une telle brutalité. Nous ne trouvons pas
d’incident impliquant en tant qu’auteurs directs ou indirects d’une
telle campagne contre les hérétiques et les infidéles des responsables
religieux reconnus ou des Imams. Bien que les chefs d’état musulmans
eurent à faire la guerre ou à envahir d’autres pays, parfois afin de
protéger leurs propres frontières et à d’autres fois afin d’occuper un
autre pays sous le prétexte de “ guerre préventive”. Naturellement,
quelque soit le cas donné, ils avaient l’habitude d’utiliser le nom de
l’Islam et la notion de Djihad pour justifier leur guerre et d’inciter
les gens à y participer ou à la supporter. Il n’est aussi pas impossible
de trouver de petits groupes anonymes d’individus fanatiques et isolés
s’addonant à de telles atrocités.
En régle générale, les chrétiens croient au caractère sacré et
infaillible de l’église et du Pape et leur conférent une autorité
absolue lorsqu’il s’agit d’interpréter et de représenter la Chrétienté.
Outre le fait qu’ils ne soient pas prêts à accuser la Chrétienté d’avoir
influencé le comportement inhumain de l’église et du Pape, ils se sont
mis d’accord pour mettre cette responsabilité sur le dos de l’église ou
des papes. Les Rois d’Europe ont lancé des guerres brutales au nom de
la Chrétienté, du Catholicisme ou du Protestantisme. Ceci dit les gens
désirant vivre en paix et en harmonie s’efforcent de pardonner et
d’oublier ce passé sombre. Ils préférent seulement s’en garder à
condamner les dirigeants politiques et non pas la religion.
Les dirigeants d’Iraq, de Syrie, d’Egypte, du Maroc, de l’Espagne
musulmane ou de Turquie, tout en ayant utilisé le nom de l’Islam, ont
fait la même chose que les dirigeants d’Espagne, de France,
d’Angleterre, d’Autriche, d’Allemagne ou d’Italie ayant utilisé le nom
de la Chrétienté, du Catholicisme, ou du Protestantisme. Mais le Pape
Benoît XVI et ses supporteurs adoptent toujours la mentalité de leurs
prédécesseurs du Moyen-Age en instiguant une certaine animosité, envers
l’Islam et les musulmans, basée essentiellement sur le comportement
cruel de certains dirigeants musulmans ou des atrocités perpétrées par
quelques dirigeants musulmans fanatiques de notre temps.
CertesJesus Christ n’a pas pris de revanche ou fait la guerre contre
quiconque, alors que l’Islam a ordonné le Djihad semblant avoir
contribué aux atrocités. Ceci dit, cette observation contredit les faits
historiques. En vue des faits actuels, nous pouvons constater que
l’absence d’instructions et de législation explicites régulant les
procédures militaires dans les Evangiles a conduit les chrétiens à
faire face à un dilemme perpétuel qui fut la source principale des
atrocités commises par l’Eglise. Il est important ici de prendre en
compte les faits suivants:
Jesus n’a jamais affirmé être venu avec un nouveau système ou une
nouvelle loi, mais a insisté sur le but de sa venue : la réintroduction
de la Loi de Moïse et des prophètes précédents. De plus, il encouragea
ses disciples à adhérer strictement à la Loi et au système religieux
juif. Il déclara : “ Ne pensez pas que je sois venu afin de détruire la
loi ou les prophètes: je ne suis pas ici afin de détruire mais
d’accomplir. Car certainement je peux vous dire qu’avant que le Ciel et
la Terre ne disparaissent, une brindille ou un grain ne seront point
exemptés de suivre la loi jusqu’à ce que tout se soit réalisé. Quiconque
viendrai à violer le moindre de ces commandements et à encourager les
autres à faire de même sera le moins récompensé au royaume des cieux;
mais quiconque les respectent et les enseignent, sera au contraire
grandement récompensé. Car il me faut vous informer qu’à moins que
votre vertu excéde celle des scribes et des Pharisiens, vous n’entrerez,
en aucun cas, au royaume des cieux”. Mathieu 5:17-20
Jesus a aussi declaré avoir laissé ses enseignements incomplets
lorsqu’il exclama : “ J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais
vous ne pouvez pas les savoir maintenant. Cependant lorsqu’il, l’Esprit
de Vérité, viendra, il vous guidera vers la vérite toute entière : car
il ne parlera pas en son nom, mais tout ce qu’il entendra, il
transmettra; et ce qui va venir, il vous le fera connaître”. Jean 16:
12-13
Les chrétiens et la Chrétienté représentée par l’Eglise ne purent
éviter la guerre. Naturellement, une personne pieuse cherche à suivre
les instructions de sa religion lorsqu’il en vient à réguler les
différents aspects de sa vie. En l’absence d’instructions claires
concernant une éventuelle action militaire dans les Evangiles, ils se
sont contentés des instructions de l’AncienTestament afin de justifier
les meurtres indiscriminés de tous les combatants et non-combatants :
hommes, femmes et enfants sans oublier la destruction de leurs biens. De
plus, ils interprétèrent à leur façon ses enseignements en pensant que
le Saint Esprit les accompagnait et les guidait dans la bonne direction.
Mais ils avaient tort.
Je tiens à vous donner un exemple. Prenons celui d’Isaac Badarkan, un
chrétien protestant arabe. En 1849, il publia un ouvrage intitulé
“AL-Thalatha Ashrata Risalah” ou “ Les Treizes Lettres” abordant le
sujet de la corruption de l’Eglise. Dans ce livre il mentionne le fait
que l’index de la Bible imprimé en arabe et latin à Rome sous la lettre
Ha (H) contient les propos suivants : “ C’est notre devoir, envers les
hérétiques, de les déraciner et de les anéantir. La Bible nous enseigne
ceci. Parce que Jehu, le fils de Jehoshaphat, roi d’Israel, a dupé les
faux prophètes et les tua à l’aide du tranchant de son épée (2 Kings
10:18-28). Et le prophète Elijah a aussi tué les prophètes de Baal (1
Kings 18:40)”.
Ils interprétèrent ainsi les enseignements et les faits des prophètes
et rois de la Bible afin de supporter leur brutalité. Même les
protestants n’ont pas échappé à cette maladie. Martin Luther demanda le
massacre en masse des juifs au nom de la Chrétienté. Il écrit : “ Nous
avons tort de ne pas les tuer, nous les laissons plutôt vivre parmi nous
malgré leurs meurtres, leur tendance à maudire, blasphémer, mentir et
diffamer.” (Encyclopédie Britannica, article. Anti-Semitisme)
D’autre part, l’Islam mis fin à un tel dilemme. En effet, personne ne
peut imaginer un état sans aucune option militaire. Nous pouvons dans
un même temps nous mettre d’accord sur le fait que le pardon en masse du
genre “ quiconque viendrait à vous frapper sur la joue droite, offerez
lui votre joue gauche “ est un conseil à suivre sur le plan personnel et
non pas gouvernemental. Lorsqu’un état est attaqué par ses ennemis,
nous ne pouvons surtout pas lui recommender de laisser ses frontières
ouvertes afin d’acceuillir l’ennemi. Tout ce que nous pouvons faire,
c’est de faire en sorte que la guerre – lorsqu’elle devient inévitable-
soit la moins destructrice possible et évite d’engendrer de pertes
civiliennes.
C’est ce que Mohammed (pbuh) a enseigné et accompli. Il légalisa le
Djihad ou la guerre tout en la régulant, en imposant de multiples
restrictions, ce que j’ai expliqué, plus en détail, dans un article
précédent. Les possibilités de transgression sont ainsi très limitées.
Si quelqu’un essaie d’infriger ses régles, le public a ainsi désormais
le droit de protester. C’est la raison pour laquelle il nous est
possible de distinguer une disparité entre les crimes commis par les
dirigeants chrétiens et l’église et ceux, moins nombreux et brutaux,
commis par les généraux ou dirigeants musulmans. Il suffit juste de
comparer ces deux types de société durant le Moyen Age afin d’y voir
plus clair. Alors qu’à l’époque l’église chrétienne s’adonner à
persécuter, tuer et brûler les scientifiques, philosophes, penseurs et
dissidents chrétiens ou bien hérétiques tout en tuant, brulant et
forçant les juifs à se convertir à la Chrétienté, les sociétés
musulmannes étaient relativement à l’abri de ces crimes là.
Avant tout, si l’Islam, malgré ses multiples restrictions militaires
régulant la guerre lorsque cette dernière est inévitable, est tenu en
tant que responsable, alors le Judaisme, l’Ancien Testament et tous les
prophètes de la Bible doivent aussi être tenu en tant que responsable de
la légalisation de guerres brutales, de massacres et de destructions en
masse. La Chrétienté doit donc elle aussi être montré du doigt pour les
crimes qui ont été perpétrés car bien que Jesus n’ait pas fixé de loi
militaire, il comfirma le fait que sa venue eut pour but de réaliser les
lois contenues dans l’Ancien Testament.
En conclusion, je demande à Dr. Dennis D Datta de faire passer notre
message au pape Benoît XVI, c’est a dire, de lui conseiller de ne pas
suivre le chemin de ses prédécesseurs médievaux qui promotèrent et
traitèrent avec condescendance la haine religieuse ou bien initièrent et
supportèrent les Croisades des dirigeants séculaires. Tout au
contraire, il devrait suivre l’exemple de son plus proche prédécesseur
en essayant de corriger les erreurs du passé. Selon la philosophie
athée, toutes les religions sont irrationnelles. D’un autre côté, chaque
religion pense être la religion la plus rationnelle. Vous avez certes
le droit d’essayer de prouver la rationalité de la Chrétienté mais il
vous n’avez en aucun cas le devoir de dénigrer les autres religions. Car
c’est ceci même qui pousse les gens a vouloir rechercher le côté
irrationnel et inhumain de la Chrétienté. De tels remarques peuvent
provenir de Mullah ou clériques musulmans peu connus. Mais il est très
regrettable d’entendre une telle déclaration irrationnelle et
provocatrice de la part d’un Pape du 21ème siècle.
( Ecrit en référence et en cohérence avec l’article de Dr Dennis D
Datta : “Interpretation of the Old and the New Testament” publié dans
le journal quotidien “The independent” daté du 31 Octobre 2006.)